ARTICLE 2 – REFORME SUR LA FIN DE CARRIERE IMPACTANT LES EMPLOYEURS

Au-delà de la mesure principale du report de l’âge légal, la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 comporte également plusieurs points impactant la fin de carrière. La plupart entreront en vigueur le 1er septembre 2023, d’autres sont applicables depuis le 16 avril 2023, au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

Ces nouveautés ont des impacts notables pour les salariés et pour les employeurs du privé dans la gestion des fins de carrières, notamment en ce qui concerne :

  • le régime social des indemnités de rupture, particulièrement le régime des ruptures conventionnelles pour tous les salariés
  • la retraite progressive
  • le cumul emploi retraite

D’autres mesures sont concernées par cette réforme des retraites, mais il nous semble pour le moment opportun de nous concentrer sur ces trois procédures essentielles, qui impactent l’ensemble des secteurs d’activité et qui sont couramment mobilisées.

Le régime social des indemnités de rupture

La réforme Macron des retraites entend rapprocher le régime social des indemnités de mise à la retraite et de rupture conventionnelle, pour limiter l’effet dissuasif des règles actuelles sur la volonté des entreprises de conserver les seniors mais cela
aboutira aussi à augmenter le coût des ruptures conventionnelles conclues avec des salariés qui ne sont pas en âge de bénéficier d’une pension retraite. Ce nouveau régime social de l’indemnité de rupture conventionnelle notamment va bousculer les pratiques RH et paie des entreprises.

Une réduction de la contribution employeur de 50 à 30% dans le cas d’une mise à la retraite
Un employeur ne peut mettre un salarié à la retraite unilatéralement qu’à partir du moment où celui-ci a atteint l’âge permettant d’obtenir une pension à taux plein, même s’il ne remplit pas la condition de durée d’assurance requise, à savoir 67 ans.

Si le salarié a moins de 70 ans, l’employeur doit suivre une procédure spécifique pour s’assurer de son consentement. Dès que le salarié atteint 70 ans, l’employeur peut le mettre à la retraite d’office, sans avoir à respecter cette procédure. L’indemnité de mise à la retraite versée au salarié est exonérée d’impôt sur le revenu, de cotisations et de CSG/CRDS dans certaines limites. En revanche, l’employeur est redevable d’une contribution spécifique de 50 % due sur la totalité de l’indemnité (exonérée comme non exonérée).

A partir du 1er septembre 2023, la contribution de 50% sera remplacée par une contribution patronale de 30%, uniquement due sur la seule fraction d’indemnité exonérée de cotisations.

En pratique, on peut noter que les cas de mise à la retraite restent toutefois rares et seront d’autant plus exceptionnels demain au vu de l’amélioration du cadre du cumul emploi-retraite. L’augmentation de 20 à 30% de la contribution employeur à la rupture conventionnelle.

A l’heure actuelle, la rupture conventionnelle avec un salarié proche de la retraite doit nécessiter de s’enquérir de la possible liquidation de la pension de retraite du salarié :

  • S’il peut liquider sa retraite, sur la base d’un taux plein ou non, l’indemnité de rupture conventionnelle doit en principe être soumise à charges sociales et fiscales
  • Si ce n’est pas le cas, c’est le régime social classique de la rupture conventionnelle qui s’applique.

Dans ce cadre, l’employeur doit récupérer a minima une attestation de la Carsat (un simple relevé de carrière ou une attestation sur l’honneur est insuffisant) prouvant que le salarié n’est pas éligible pour pouvoir conserver le régime social de la rupture conventionnelle.

Dans un objectif d’harmonisation du régime social des indemnités de rupture conventionnelle individuelle et de mise à la retraite, la réforme viendra aussi remplacer le forfait social de 20 % applicable sur les indemnités de rupture conventionnelle individuelle par une contribution patronale de 30%.

Ainsi, et dès le 1er septembre 2023, il sera prévu une contribution de 30 % sur l’indemnité de rupture conventionnelle individuelle, au lieu du forfait social applicable actuellement à 20%, que le salarié ait droit ou non à une pension de retraite. Un point d’attention est donc ici porté sur l’augmentation des coûts entreprise sur toutes les ruptures conventionnelles à venir, et ce dès le 1er septembre
prochain.

De plus, la réforme ne tranche pas sur une uniformisation ou une simplification de la gestion du traitement de la partie fiscale :

  • Si le salarié peut liquider sa retraite, sur la base d’un taux plein ou non, l’indemnité de rupture conventionnelle restera en principe toujours imposable
  • Si ce n’est pas le cas, c’est le régime social classique de la rupture conventionnelle qui s’appliquera avec la nouvelle contribution patronale à 30%.

Les employeurs devront donc certainement encore aller chercher les justificatifs prouvant l’absence de liquidation possible de la retraite du salarié pour ne pas intégrer la totalité de l’indemnité de rupture dans l’assiette imposable du salarié.

La retraite progressive

Aujourd’hui, la retraite progressive permet aux assurés qui ont au moins 60 ans et 150 trimestres d’assurance de poursuivre une activité à temps partiel ou à temps réduit, tout en bénéficiant d’une fraction de leur pension de vieillesse.

Âge d’ouverture du droit

L’âge d’accès à la retraite progressive est aujourd’hui fixé à 2 ans avant l’âge légal. Ainsi, au vu du passage de l’âge légal à la retraite de 62 à 64 ans, il est probable que l’âge d’accès à la retraite progressive passerait de 60 à 62 ans. Une confirmation par les textes attendus avant la rentrée de septembre sera la bienvenue.

Toutefois, il est précisé que les assurés déjà bénéficiaires d’une retraite progressive au 1er septembre 2023 continueront à relever du régime applicable avant la réforme, mais la liquidation de leur pension complète ne pourra être obtenue que lorsqu’ils rempliront les conditions d’âge et de durée d’assurance prévues par la réforme.

Passage à temps partiel facilité

La loi entend lever ici l’obstacle à la retraite progressive que pourrait constituer la législation de droit du travail sur la durée minimale de travail à temps partiel, à hauteur de 24 heures. A partir du 1er septembre 2023, le salarié qui a atteint l’âge d’accès à la retraite
progressive pourra demander à travailler moins que 24 heures.

A noter que cette mesure paraît de bon sens, puisque la réglementation de sécurité sociale prévoit déjà que la quotité de travail à temps partiel ou à temps réduit peut être comprise entre 40 % et 80 % de la durée légale ou conventionnelle applicable à l’entreprise, soit entre 14 et 28h sur une base de 35h/semaine.

Le cumul emploi retraite

A partir du 1er septembre 2023, le cumul emploi retraite intégral ouvrira désormais droit à une seconde pension. A l’heure actuelle, le cumul emploi-retraite ne permet pas de générer des droits à la retraite alors même que les bénéficiaires continuent à verser des cotisations sociales. Ils cotisent « à perte ».

La loi du 14 avril 2023 supprime cette règle pour ceux qui remplissent les conditions du cumul emploi-retraite intégral. Il s’ouvre ainsi une création de droits à une deuxième pension en contrepartie des cotisations versées en cumul emploi retraite. Nous attendons encore une précision par décret qui viendra notamment indiquer un montant qui sera en principe plafonné pour cette seconde pension.

Ces nouveaux droits seront sans incidence sur le montant de la pension de vieillesse résultant de la première liquidation. Ils n’ouvriront d’ailleurs pas le droit à une seconde indemnité de départ volontaire ou de mise à la retraite, indemnité qui est déjà versée en principe lors de la première liquidation de la retraite.

Attention : La création de nouveaux droits ne sera cependant permise, en cas de reprise d’activité chez le dernier employeur, qu’après le respect d’un délai de carence de 6 mois suivant la liquidation de la retraite. Ce délai ne sera toutefois pas applicable aux assurés ayant liquidé leur pension au plus tard 6 mois après la publication de la loi.

Cette mesure est aussi applicable aux assurés relevant du régime des non-salariés. D’autres dispositions peuvent attirer notre attention, entres autres les nouvelles modalités d’utilisation du compte personnel de prévention. Enfin, nous pouvons noter que les projets d’index séniors, d’obligation de négociation sur l’emploi des séniors et de CDI séniors, initialement intégrés dans le projet de loi n° 2023-270 du 14 avril 2023, ont été censurés par le Conseil constitutionnel au motif qu’ils n’avaient pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale.

Ces propositions ne restent cependant pas lettres mortes, le gouvernement ayant par la suite présenté aux partenaires sociaux que ces projets restent « prioritaires » et feront l’objet d’une négociation dans la perspective d’un accord national interprofessionnel (ANI), idéalement rendu avant la fin de l’année 2023. La réforme des retraites n’est visiblement pas prête d’être terminée.

 

 

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