JURISPRUDENCES

Renouvellement de la période d’essai : l’accord implicite est possible

Cour de cassation, Chambre sociale, Pourvoi n° 21 13 699 du 25 janvier 2023, le renouvellement de la période d’essai suppose que plusieurs conditions soient respectées :

  • Il doit être prévu par la convention collective applicable ou un accord de
    branche étendu.
  • La possibilité de renouvellement doit être stipulée dans le contrat de travail.
    Le renouvellement doit être accepté par le salarié.

Cette troisième condition a déjà fait l’objet de précision par les juges.

L’acceptation doit être claire et non équivoque, la simple signature du salarié sur le courrier de renouvellement ne suffisant pas à caractériser son accord. La mention manuscrite « Bon pour accord » ou « Bon pour renouvellement » apposée par le salarié sur le courrier de renouvellement est en principe indispensable pour caractériser l’acceptation du renouvellement de l’essai.

Toutefois à défaut d’une telle mention, l’employeur peut-il présenter d’autres éléments prouvant l’acceptation du salarié ?

Les faits : Un salarié dont le contrat de travail prévoit une période d’essai de trois mois renouvelables une fois appose sa signature, sans autre mention, sur la lettre remise par l’employeur lui proposant le renouvellement de sa période d’essai.

L’employeur notifie au salarié la fin de sa période d’essai avec un délai de prévenance et une dispense d’exécution de celui-ci.

Le salarié saisit la justice estimant ne pas avoir accepté de façon claire et non équivoque le renouvellement de la période d’essai, entrainant ainsi la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La position des juges :

La Cour d’Appel puis la Cour de cassation ont rejeté sa demande. En effet il ressortait des échanges de courriels et d’une attestation du recruteur que le salarié avait manifesté sa volonté de manière claire et non équivoque d’accepter le renouvellement de sa période d’essai.

Dans ces courriels, le salarié indiquait à des recruteurs que sa période d’essai avait été prolongée et qu’il était en recherche d’emploi.

En cas de contentieux, en l’absence de mention expresse du salarié de son accord au renouvellement de sa période d’essai, l’employeur aura la possibilité de démontrer l’accord du salarié par d’autres moyens.

Toutefois, malgré cet assouplissement de la jurisprudence et afin d’éviter tout contentieux, il est recommandé lors de la remise de la lettre de renouvellement de prévoir une mention expresse du salarié en addition à sa signature du type « bon pour accord » ou « bon pour renouvellement »).

Pratiquer une activité sportive durant un arrêt maladie n’est pas forcément déloyal

Cour de cassation, Chambre sociale, Pourvoi n° 21-20.256 du 1er février 2023, l’exercice par un salarié d’une activité sportive durant son arrêt maladie, sans que son état de santé ne se soit aggravé, peut-il légitimer son licenciement au motif d’un manquement à l’obligation de loyauté causant préjudice à son employeur ?

La Chambre sociale, dans un arrêt du 1er février 2023, répond pour la première fois, à la question de savoir si le préjudice causé ou non à l’employeur peut résulter :

  • D’une part, de la pratique d’activité sportive par son salarié en arrêt maladie
    pratique qui aurait engendré l’aggravation de son état de santé ou le prolongement de l’arrêt.
  • D’autre part, par le fait pour l’employeur d’avoir maintenu le salaire durant l’arrêt.

De principe, le fait d’invoquer un manquement à l’obligation de loyauté suppose nécessairement un préjudice causé à l’employeur.

L’exercice d’une activité pendant un arrêt maladie ne constitue pas en soi un manquement à l’obligation de loyauté qui incombe au salarié, y compris pendant toute la durée de son arrêt.

Pour constituer un tel manquement et justifier le licenciement, cette activité doit avoir causé un préjudice à l’employeur ou à l’entreprise.

Le manquement à l’obligation de loyauté entrainant un préjudice pour l’employeur serait par exemple caractérisé dans le cas d’un salarié qui, pendant un arrêt maladie, exercerait une activité pour le compte d’une société concurrente de celle de l’employeur une ou activité concurrente pour son propre compte en cas de démarchage des clients de l’employeur.

En l’espèce, le salarié durant ses arrêts de travail a participé à plusieurs compétitions de badminton. L’employeur licencie ce dernier en raison d’un manquement à son obligation de loyauté envers son employeur. Estimant ne pas avoir manqué à cette obligation, l’ancien salarié saisit la juridiction
prud’homale afin de contester le bien-fondé de son licenciement.

La cour d’appel a jugé ce dernier sans cause réelle et sérieuse au motif que la participation régulière du salarié à des compétitions de badminton pendant ses arrêts maladie n’avait causé aucun préjudice à l’employeur.

L’employeur se pourvoit ainsi en cassation.

A la question : le préjudice peut-il résulter du paiement intégral du salaire pendant l’arrêt maladie ? NON.

L’employeur fait d’une part valoir que, lorsque ce dernier assure la couverture des risques maladie, accident du travail et maladie professionnelle de ses salariés dans le cadre d’un régime spécifique de prévoyance, la participation du salarié pendant un arrêt de travail intégralement rémunéré par l’employeur, à des activités non autorisées et manifestement incompatibles avec l’incapacité de
travail à l’origine de son arrêt maladie, constitue un manquement du salarié à son obligation de loyauté. Le préjudice économique et financier en résultant pour l’employeur pourrait ainsi justifier son licenciement.

La Cour de cassation rejette cet argument au motif que le préjudice pour l’employeur ne saurait résulter du seul maintien intégral du salaire, en conséquence de l’arrêt de travail, assumé par l’employeur qui assure lui-même le risque maladie de ses salariés mais le préjudice peut-il découler de l’aggravation de l’état de santé du salarié du fait de l’activité exercée durant l’arrêt ? NON.

L’employeur fait également valoir, que l’exercice par le salarié pendant l’arrêt de travail d’une activité physique manifestement incompatible avec l’incapacité de travail à l’origine de cet arrêt est susceptible d’aggraver son état de santé ou peut aussi laisser penser qu’en réalité, le salarié a recouvert toutes ses facultés de santé. Pour l’employeur, cette situation constitue nécessairement un acte de déloyauté du salarié, source d’un préjudice notamment économique.

La Cour de Cassation répond par la négative également à cet argument. Les Magistrats approuvent la décision rendue par la Cour d’Appel selon laquelle le licenciement du salarié s’avérait sans cause réelle et sérieuse.

La Cour de Cassation en conclut que le salarié n’avait pas commis la faute grave qui lui était
reproché, au motif que l’aggravation de l’état de santé par la pratique sportive comme le préjudice causé à l’employeur n’avaient à aucun moment été démontrés.

Cette décision nous rappelle que même si des circonstances de fait peuvent conduire les employeurs à estimer qu’un contrat de travail doit être rompu pour faute, la notion juridique de préjudice subi, démontrable et suffisant, doit également et impérativement être prise en compte avant d’entamer une procédure de licenciement disciplinaire.

 

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