FIN DE LA DEDUCTION FORFAITAIRE SPECIFIQUE POUR FRAIS PROFESSIONNELS APPLICABLE DANS CERTAINES PROFESSIONS ?

La DFS (déduction spécifique pour frais professionnels) consiste en un abattement de l’assiette de cotisations, abattement allant de 5 % à 40 % selon les professions, dans la limite de 7 600 € bruts par année civile et par salarié. Sont notamment visées les professions du BTP (ouvriers du BTP), les artistes, les journalistes et le personnel naviguant.

Pour rappel, le BOSS (Bulletin Officiel de la Sécurité Sociale) dans sa mise à jour d’avril 2021 a notamment posé pour principe général que l’employeur ne peut désormais appliquer la DFS que si le salarié supporte effectivement des frais lors de son activité professionnelle. A cet effet, l’employeur doit disposer des justificatifs démontrant que le salarié bénéficiaire supporte effectivement des frais professionnels. En l’absence de frais effectivement engagés par le salarié, ou si l’employeur prend en charge ou rembourse la totalité des frais professionnels, il est impossible d’appliquer la DFS.

Le BOSS a communiqué en octobre 2021 sur la prolongation d’un an de la tolérance relative à cette nouvelle doctrine. Les employeurs concernés bénéficient donc d’une tolérance jusqu’au 31 décembre 2022.

En effet, dans sa mise à jour du 22 octobre 2021, la Direction de la Sécurité Sociale a fait évoluer sa doctrine en la matière et clarifie les conditions dans lesquelles le dispositif s’applique.

Les conditions sont impératives et cumulatives :

  • L’appartenance à une profession visée par la DFS : il s’agit bien d’un avantage statutaire et non nos-specialisationsiel. Les bénéficiaires doivent donc appartenir aux catégories concernées par les dispositions.
  • L’accord du salarié une fois par an ou, lorsqu’ils existent, des représentants du personnel (consultation annuelle du CSE) est requis : l’application de la DFS n’est pas automatique et l’accord express du salarié est requis une fois par an. Cet accord ne peut donc plus être prévu au contrat de travail de manière définitive.

Il appartient désormais à l’employeur d’informer annuellement les personnes concernées et de leur demander leur accord écrit. Rappelons que les modalités de recueil du consentement des salariés prévues par le BOSS entreront en vigueur le 1er janvier 2022. Toutefois, en cas de contrôle relatif à des périodes courant jusqu’au 31 décembre 2022, l’organisme procédera uniquement à une demande de mise en conformité pour l’avenir, que l’employeur devra veiller à respecter. 

  • L’employeur est toujours tenu d’informer les personnes concernées des conséquences de l’application de la DFS sur leurs droits. En effet, l’application de la déduction forfaitaire spécifique a des effets directs sur le net à payer (qui se trouve alors plus élevé que si la DFS n’était pas appliquée), le droit à la sécurité sociale (montant des IJSS), au chômage, à la retraite et à la prévoyance qui sont, quant à eux, calculés sur la base du salaire abattu (les droits sont donc réduits).
  • L’employeur doit disposer des justificatifs démontrant que le bénéficiaire supporte effectivement des frais professionnels. Le BOSS prévoit que l’application de la DFS est désormais conditionnée au fait que le salarié bénéficiaire supporte effectivement des frais professionnels. Cette disposition est entrée en vigueur le 1er avril 2021. Toutefois, par tolérance, il est prévu qu’en cas de contrôle relatif à des périodes courant jusqu’au 31 décembre 2022, l’URSSAF procédera uniquement à une demande de mise en conformité pour l’avenir, que l’employeur devra veiller à respecter. Ainsi, indique le BOSS, jusqu’à la fin 2022, les employeurs qui appliqueront une DFS à des salariés ne supportant aucun frais feront uniquement l’objet d’une demande de mise en conformité pour l’avenir.

Cette tolérance concernera par exemple les salariés dont les frais professionnels sont en totalité remboursés (ou directement pris en charge) par l’employeur, ou encore les DFS appliquées à des éléments de rémunération versés au titre d’une période de congé durant laquelle le salarié ne supporte aucun frais (BOSS, Frais professionnels, § 2215, 22/10/2021). A contrario, une fois la période transitoire expirée (donc à partir de 2023), il sera impossible d’appliquer une DFS dans ces différentes situations (salarié ne supportant aucun frais, rémunération d’une période de congé), conformément à la nouvelle doctrine du BOSS.

Les employeurs devront donc récupérer chaque mois auprès des salariés concernés les justificatifs des dépenses exposées dans le cadre de l’exercice de leur contrat de travail, justificatifs qui devront impérativement être produits en cas de contrôle par les services de l’URSSAF ou de la MSA. A défaut, la DFS sera inapplicable.

  • La DFS n’est pas cumulable avec le remboursement de frais par l’employeur, hors exceptions (frais de déplacements pour missions).

La tolérance de non-réintégration de certains frais payés directement par l’employeur sera supprimée à compter du 1 er janvier 2023. De plus, la suppression de la notion de frais d’entreprise a aussi pour effet la réintégration de ces frais, qui ne l’étaient pas auparavant.

Ce point nécessite encore des éclairages de l’administration, s’agissant du cumul de la DFS avec des remboursements NTIC, avec l’allocation télétravail, …

Le principe général d’application de la déduction pour frais professionnels est que la base de calcul des cotisations est constituée par le montant global des rémunérations, indemnités, primes, gratifications y compris, le cas échéant, les indemnités versées au titre de remboursement de frais professionnels et les avantages en nature. Ce principe de non-cumul connaît des exceptions. Ainsi, par exemple pour les journalistes, ne sont pas réintégrés dans la base de calcul des cotisations, les frais de taxi de nuit exposés lorsque l’heure du déplacement ne permet plus l’utilisation des transports en commun, les frais de déplacement et de séjour du journaliste envoyé en mission, la part patronale des frais de dossiers de renouvellement de la carte d’identité professionnelle.

Devront donc notamment être réintégrés à compter du 1er janvier 2023 les éléments suivants :

  • La prise en charge directe par l’employeur auprès d’un tiers (hôtelier, restaurateur, entreprise de taxi…) des frais du salarié en situation de déplacement professionnel (frais d’hébergement, frais de repas, frais de taxi…) ;
  • Le remboursement des dépenses d’entretien des vêtements de travail ;
  • Le remboursement des dépenses engagées par le salarié dans le cadre de sa participation, à la demande de son employeur et à titre exceptionnel, à des manifestations organisées dans le cadre de la politique commerciale de l’entreprise ;
  • Le remboursement des dépenses engagées par le salarié ou prises en charge directement par l’employeur à l’occasion des repas d’affaires dûment justifiés (sauf abus manifeste).

Toutefois, le cumul de la DFS est admis avec :

  • La contribution patronale à l’acquisition des titres-restaurant dans la limite de 5,55 € (valeur 2021) et lorsque le montant de la participation est compris entre 50 % et 60 % de la valeur du titre,
  • La prise en charge obligatoire du coût des titres de transport des salariés d’Ile-deFrance et 50 % de la charge totale ou partielle de l’abonnement mensuel par les employeurs de province.

Pour plus de détails, se reporter aux dispositions du BOSS.

Ces dispositions ne seront pas sans conséquence pour l’employeur et pour les salariés concernés. La fin de la tolérance Urssaf fin 2022 peut conduire à :

  • Une fin du dispositif ; les conditions n’étant pas/plus remplies. La fin de la tolérance représenterait alors un coût supplémentaire pour l’employeur si la DFS n’était plus appliquée, avec une augmentation significative de la masse salariale. Elle entrainerait également une perte de salaire net plus ou moins importante pour les salariés selon leur niveau de rémunération, d’autant plus s’ils ne supportaient pas de frais professionnels jusqu’alors.
  • En tout état de cause, une augmentation des charges sociales : dans le cas où l’employeur prendrait en charge des frais professionnels, condition sine qua non pour bénéficier de la DFS, il y a lieu de déterminer lesquels doivent désormais être réintégrés dans la base de cotisations, ce qui représente un enjeu important d’une part, et une augmentation des charges sociales (impact salarial et patronal).

En conséquence de quoi, il convient pour les employeurs concernés d’anticiper avant décembre 2022, les conséquences de la fin de la tolérance URSSAF.  

 

 

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